4 ÉTAPES POUR ACCÉLÉRER L’APPRENTISSAGE D’UNE EQUIPE

Dans notre monde en évolution rapide, les organisations doivent sans cesse adopter de nouvelles technologies et de nouveaux processus opérationnels. J’ai observé que les équipes confrontées à un changement d’outil ou de processus de travail traversaient systématiquement une période de turbulence plus ou moins forte et plus ou moins longue avant que ce changement ne soit effectif. Un leader en prise de fonction veillera à accélérer ce passage.

Un article très éclairant sur ce sujet est celui des Pr. Amy Edmonson, Richard Bohmer et Gary Pisano de la Harvard Business School[1]. Les auteurs ont observé seize équipes chirurgicales spécialisées dans les opérations cardiaques ayant dû adopter une nouvelle technique d’intervention plus complexe mais moins lourde pour les patients.

En comparant les différentes approches d’apprentissage mises en place par ces équipes, Amy Edmonson et ses collègues ont remarqué que – contrairement à leurs pronostics - ce n’était ni le degré de support du top management, ni la réputation du chirurgien dirigeant l’équipe, ni la qualité des débriefings qui accéléraient la courbe d’apprentissage mais plutôt la capacité des équipes à s’engager dans un apprentissage en temps réel, à analyser et ajuster les actes durant les interventions elles-mêmes.

En outre, les équipes chirurgicales ayant appris la nouvelle technique d’intervention le plus rapidement partageaient trois caracté­ristiques  essentielles :

  1. ces équipes étaient constituées d’individus soigneusement sélectionnés ;
  2. leurs leaders avaient présenté le défi d’une façon telle que les membres de l’équipe étaient hautement motivés à apprendre ;
  3. les leaders avaient créé un climat de confiance dans l’équipe pour encourager la communication et l’innovation.

Transposées dans un contexte d’entreprise, ces conclusions peuvent être présentées en quatre étapes à suivre par les leaders d’équipes en phase d’apprentissage.

Etape #1 – Constituer une équipe solide

Les leaders sous-estiment souvent leur degré de latitude par rapport à la composition de leurs équipes[2]. Démarrer avec une équipe solide est pourtant un gage de réussite. S’entourer de personnes compétentes, motivées et partageant les mêmes valeurs[3] est une des principales responsabilités de tout dirigeant. Dans le cas des équipes chirurgi­cales, ces valeurs étaient les suivantes :

  • capacité à travailler avec autrui,
  • volonté de gérer des situations nouvelles et ambiguës,
  • capacité à confronter de manière constructive leurs supérieurs hiérarchiques (en proposant de nouvelles idées ou suggestions).

Un autre aspect mis en lumière par les chercheurs de Harvard est la nécessité de garder les mêmes personnes dans l’équipe au fil du temps afin de leur permettre d’apprendre à mieux fonctionner ensemble. Les équipes dont la composition changeait régulièrement éprouvèrent plus de difficultés dans leur processus d’apprentissage quels que soient les niveaux de compétence et de formation de leurs membres.

Etape #2 – Présenter le défi de manière adéquate

L’article apporte plusieurs éclairages à ce niveau :

  • Tout changement est source de stress et les leaders d’équipe ont tout intérêt à reconnaître cette réalité plutôt que de la nier ou de la minimiser, ce qui engendre d’inutiles frustrations et résistances parmi leurs collaborateurs.
  • Malgré les apparences, la majorité des changements ne sont pas seulement d’ordre technique mais également d’ordre organisationnel. Le leader insistera donc sur l’importance de créer de nouvelles manières de travailler ensemble plutôt que d’acquérir de nouvelles compétences individuelles.
  • L’adhésion à la vision partagée[4] et aux valeurs fédératrices de l’équipe donne du sens au défi et facilite ainsi la participation des individus au changement. Plusieurs membres d’équipes chirurgicales se déclarèrent fiers de participer à un projet soulageant la douleur des patients et honorés d’avoir été sélectionnés.
  • Les leaders d’équipe ayant le mieux réussi le passage vers un nouveau processus opérationnel étaient ouvertement enthou­siastes par rapport au défi, annoncèrent à leurs équipes la difficulté de la tâche d’entrée de jeu et insistèrent sur la nécessité d’une contribution de chaque personne. L’humour fut une qualité unanimement appréciée par les équipes, comme l’illustre cette remarque d’un chirurgien « Dorénavant, la douleur sera transférée du patient vers l’équipe chirurgicale ».

Etape #3 – Favoriser l’expérimen­tation en temps réel

Les équipes, encore plus que les individus, apprennent par essais/ajustements. Etant donné le nombre important d’interactions entre ses membres, il est très difficile pour les équipes de réaliser des tâches de façon satisfaisante dès la première fois, et ce quelle que soit la qualité des programmes de formation et de la préparation individuelle.

Les membres des équipes chirurgicales insistèrent sur l’importance d’expérimenter de nouvelles façons d’améliorer les choses durant les opérations cardiaques en veillant bien sûr à la sécurité des patients. Cette expérimentation en temps réel s’avéra plus profitable que les débriefings post-opératoires car elle permettait l’implémentation d’intuitions qui auraient été perdues si le membre de l’équipe avait attendu la fin de l’opération pour en discuter.

Etape #4 – Créer un climat de confiance réciproque

Le processus d’apprentissage par essais/ajustements en équipe nécessite un contexte psychologiquement sécurisant pour les individus afin de les aider à surmonter leur inclination naturelle à cacher leurs erreurs ou à ne pas prendre le risque d’en commettre. Surmonter la peur d’être pris en défaut est la condition sine qua non pour que les membres d’une équipe mettent en place la communication franche requise pour un apprentissage en temps réel. Les équipes chirurgicales dont les membres se sentaient à l’aise pour émettre des suggestions, essayer des choses qui pouvaient ne pas marcher, prévenir de problèmes potentiels et admettre leurs erreurs intégrèrent la nouvelle méthodologie beaucoup plus rapidement que les équipes où ne régnait pas ce climat de confiance réciproque.

Le leader veillera donc à créer une culture de non jugement, d’ouverture à l’expérimentation et d’acceptation des erreurs pour encourager les membres de son équipe à communiquer, suggérer et réagir spontanément dans une démarche d’amélioration continue[5]. L’exempla­rité et la congruence entre les actes du leader et ses dires sont les piliers de cette culture de confiance. C’est en montrant l’exemple de façon répétitive et constante que le leader convaincra les membres de son équipe qu’ils pourront prendre le risque d’apprendre par essais/ajustements.

Conclusion

Les quatre étapes d’apprentissage mises en lumière par l’article d’Amy Edmondson et de ses collègues donnent un éclairage précieux sur la façon dont un leader peut accompagner son équipe lors d’un changement d’outil ou de processus. Ces étapes permettent de diminuer l’inévitable stress éprouvé par les membres de l’équipe face au changement et d’accélérer la phase d’apprentissage.

 

 

[1]   « Speeding Up Team Learning » par Amy Edmondson, Richard Bohmer et Gary Pisano – Harvard Business Review, Boston – Octobre 2001.

[2] Voir à ce propos l’écueil #8 dans l’article intitulé « Les 10 écueils les plus courants » dans la série « Les 100 premiers jours dans une nouvelle fonction de leadership » sur www.first100days.be.

[3] Voir le point #5 dans  l’article intitulé « L’agenda stratégique » dans la série « Les 100 premiers jours dans une nouvelle fonction de leadership » sur www.first100days.be.

[4] Voir le point #2 dans  l’article intitulé « L’agenda stratégique » dans la série « Les 100 premiers jours dans une nouvelle fonction de leadership » sur www.first100days.be.

[5] Peter Senge a brillamment développé le concept d’organisation apprenante dans son livre « The Fifth Discipline: The Art & Practice of the Learning Organization » - Currency Doubleday, New York – 1990, également disponible en français sous le titre “La cinquième discipline” – First Editions. Voir aussi « Building Trust: How to Get It! How to Keep It! » de Hyler Bracey, 2002 et “The Speed of Trust” de Stephen M.R. Covey – Free Press, 2006.