Coacher en pleine conscience

Coacher en pleine conscience 

 

Introduction

Aujourd’hui, le coaching est connu du monde professionnel et du grand public. Les personnes consultent un coach parce qu’elles sont bloquées devant une situation particulière, parce qu’elles veulent aller plus loin ou parce qu’elles éprouvent le besoin d’une aide extérieure. Le coach offre alors un espace-temps de prise de hauteur, de confiance et de renouveau. 

L’ICF (International Coach Federation) définit l’acte de coacher comme être partenaires dans un processus créatif suscitant la réflexion pour maximiser le potentiel personnel et professionnel du client.  


Pour les coachés, le coaching est bien souvent une expérience qui transforme leur vie et améliore significativement leur perspective sur leur travail et leur vie. Le coaching aide les personnes à puiser dans leur potentiel, libérant ainsi un espace de créativité́ et de productivité́ jusque-là insoupçonné. 

Alors que peut apporter la pleine conscience au coaching ? Qu’est-ce qu’un mindful coach ?

Issue de la troisième vague des thérapies cognitivo-comportementales, la Pleine Conscience ou Mindfulness est selon Jon Kabat-Zinn[1] « un état de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans juger, sur l’expérience qui se déploie moment après moment ».

C’est aussi une compétence qui s’acquiert notamment avec la pratique de la méditation dont a été ôté tout caractère religieux. Contrairement à une croyance populaire, « la méditation ne consiste pas à essayer d’atteindre l’extase, la félicité spirituelle ou la tranquillité, ni à tenter de s’améliorer. Elle consiste simplement à créer un espace où il est possible de déployer et défaire nos jeux névrotiques, nos auto-illusions, nos peurs et nos espoirs cachés »[2].  

Plus qu’un outil au service des coachs, la pleine conscience est une posture au cœur de la réalité de l’expérience du coach, mais aussi de celle du participant et celle de leur relation. Très concrètement, la pleine conscience offre une voie au coach pour se préparer à ses interventions, apprendre à gérer ses émotions et son stress, maintenir une attention et une écoute active durant les séances, développer sa capacité à être plutôt qu’à faire, être simplement présent au service du client pour que celui-ci se sente compris, accepté et puisse accéder à ses ressources. 

 

Coacher en pleine conscience, plus de présence, de conscience et d’écoute au service du client

De manière générale, la pleine conscience aide le coach à être présent, c’est-à-dire à tout ce qui constitue la qualité et le rayonnement de sa présence là, ici, maintenant à soi et aux autres. En étant tout d’abord conscient et présent à ce qui se passe dans son corps, son cœur et son esprit, si facilement séparés dans nos cultures. En découvrant aussi une nouvelle dimension de son être, au-delà des pensées, des émotions et des sens, comme une présence que l’on pourrait appeler la conscience ou le moi profond.

Pour cela, l’exercice de la météo intérieure[3], court, simple et facilement accessible peut s’avérer fort utile avant chaque séance.

Un autre exercice tout aussi intéressant à effectuer avant chaque séance est d’entrer dans ce que Robert Dilts a appelé l’état COACH, acronyme pour Centré, Ouvert, Alerte (attentif avec conscience), Connecté (à l’intérieur de soi-même et à quelque chose de plus grand que soi), Hospitalité (créer un espace, une attitude pour accueillir ce qui va se passer, être présent)[4]. Pour ma part je remplacerais le « A » par Ancré, enraciné comme un arbre. Nous aurions alors Centré, Ouvert, Ancré, Connecté et Hospitalier[5].

Dans le cas où le coach médite régulièrement, la pleine conscience lui permet aussi de mieux se connaître, car la méditation revient à se placer devant un miroir, où inlassablement il observe ses sensations physiques, ses émotions et ses pensées[6]

En prêtant cette attention régulière, le coach méditant découvre et se familiarise avec bienveillance à ce qui se passe en lui. Avec par exemple toutes les distorsions cognitives possibles sur la manière dont il traite les informations ou encore toutes les pensées automatiques qu’il peut avoir. Il peut aussi s’agir de ses émotions ou de ses pensées qui peuvent être désagréables, sans les fuir ou les éviter mais sans les amplifier non plus, en les accueillant et en les acceptant.

Cette (re)découverte de soi est favorisée par les pratiques de pleine conscience comme la méditation du souffle[7], mais également lors d’exercices plus informels. Intégrer dans le rythme de sa vie quotidienne des instants de pleine conscience comme prendre le temps de déguster son café, c’est en effet s’entraîner à être totalement connecté à soi et à ce que l’on fait à travers ses sens.

La pleine conscience améliore aussi grandement les capacités attentionnelles des coachs durant les interventions. Elle permet d’améliorer la capacité à rester focalisé : « Les coachs conscients sont capables d’appliquer une forme de vigilance à leur propre esprit. Ils sont plus aptes à se désengager des pensées et des idées vagabondes et à ramener leur attention sur leur client lorsqu’ils notent qu’elle s’est mise à dériver ».[8]

La pleine conscience leur permet ainsi d’être présent à l’autre de manière attentive et active, en écoutant et non pas juste en entendant, en observant et non pas juste en regardant, en étant avec le coaché là, maintenant, pour lui.

La pratique du balayage corporel[9] ou encore appelé du body scan est ici un bel exemple de la manière dont le coach peut ressentir, accepter et observer ce qui se passe à ce moment-là.

Il y a encore beaucoup de points à aborder comme la capacité fondamentale d’empathie du coach. Celle-ci s’exerce à travers la propre aptitude du coach méditant à déchiffrer ses pensées, émotions et sensations corporelles lors des méditations. Et plus le coach en est capable, plus il parvient à percevoir avec acuité les pensées, les émotions et les sensations corporelles du client.

Ou encore la faculté de développer ce que Vincent Lenhardt appelle la « troisième écoute » du coach composée des intuitions, des pensées, des manifestations émotionnelles ou des sensations corporelles qui peuvent rentrer dans le champ de sa conscience. La méditation des sons[10] aide beaucoup le déploiement de cette sensibilité au-delà de la simple communication verbale.

Il peut aussi s’agir de la facilité à lâcher prise sur ce que le coach pourrait attendre de son client, notamment à ce qu’il pourrait considérer comme la voie où la solution à poursuivre. Le lâcher-prise est une des attitudes fondamentales de la pleine conscience que l’on travaille dans toutes les pratiques pour revenir dans le présent, là, ici et maintenant.

L’inclination du coach à ne pas juger son client, ce qui pourrait polluer la relation coach-coaché, est aussi cruciale. La pleine conscience nous y aide en nous invitant à observer avant tout ce qui passe par l’esprit et le corps, et à en prendre note sans jugement. 

 

Conclusion 

Utilisée initialement en psychothérapie, la pleine conscience fait depuis quelques années son apparition dans le domaine du coaching, et attire chaque jour de plus en plus de coach. 

Elle a beaucoup de choses à apporter aux coachs comme nous venons de le voir, surtout quant à la qualité de leur présence. N’est-ce pas de là d’ailleurs que démarre réellement la rencontre, l’échange et la dynamique entre le coach et son coaché ?

D’après une étude reprise dans le dernier livre de M. Chaskalson[11], 100% des coachs interrogés qui pratiquent la pleine conscience ont répondu que leur pratique de pleine conscience influençait directement leur présence en coaching[12], c’est-à-dire leurs capacités à être pleinement conscient et à créer une relation spontanée avec le coaché. 95% ont répondu que cela améliorait leur capacité à établir la confiance et l’intimité avec la personne accompagnée. 90% que cela contribuait à avoir une meilleure écoute active et à éveiller la conscience du client.

Souhaitons donc aux coachs de pratiquer la pleine conscience pour être encore plus présents auprès des clients, et à travers eux être présents au monde.

 

Jean-Marie Duval

a mindful coach

0474 86 95 24

 

[1] Docteur en biologie moléculaire qui, s’inspirant de la tradition philosophique bouddhiste, a mis au point en 1979 un programme destiné à réduire le stress de ses patients : le MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction).

[2] C. Trungpa, “Le mythe de la liberté et la voie de la méditation”, Seuil, 1979.

[3] Prendre le temps de reconnaître sa météo intérieure consiste à ressentir tout simplement ce qui se passe en nous : dans un premier temps mettre l’attention sur le corps, les émotions et les pensées, puis poser l’attention sur la respiration, pour enfin élargir au-delà du corps aux sons et à tout ce qui nous entoure. Il n’y a rien à faire, juste à être. C’est comme ça à ce moment-là.

[4] Opposé à l’état CRASH : Contraction, Réaction, Analyse paralysante (rumination), Séparation, Heurt (blessant).

[5] Pour cela fermez les yeux, amenez l’attention sur la respiration et prenez conscience de votre centre intérieur situé légèrement sous le nombril - je suis centré. Puis prenez conscience de votre axe vertical situé au niveau de la colonne vertébrale et ouvrez le plexus - je suis ouvert. Enfoncez-vous ensuite en descendant le long de la colonne vertébrale, du bassin, des jambes et des pieds et au-delà dans le sol, laissez l’énergie se propager, se renforcer et se densifier - je suis ancré. Sentez-vous maintenant comme si vous n’étiez qu’une seule et grande cellule, respirant connecté à vous-même et à tout ce qui vous entoure - je suis connecté. Ressentez enfin l’espace dans lequel vous pouvez porter le meilleur de vous-même, et sentez votre accueil au monde au-delà de votre simple enveloppe corporelle – je suis hospitalier.

[6] Image empruntée à Isabelle Hornecker “Que peut apporter la mindfulness au coaching post-bun out ?”, thèse, ICN Business School, Nancy & Metz, 2014.

[7] Elle consiste à porter son attention sur le souffle (sans chercher à le modifier ou à le contrôler) et à observer les mouvements et sensations du corps associés au souffle.

[8] M. Chaskalson explique cela dans son livre “Méditer au travail : pour concilier sérénité et efficacité”, par l’existence de neurones-miroirs dans le cortex cérébral, qui seraient le substrat physiologique de l’intelligence émotionnelle et permettraient de percevoir les émotions des autres.

[9] Cet exercice demande une attention soutenue car il consiste à centrer l’attention d’abord sur le souffle, puis de prendre conscience de toutes les sensations du corps dans ses parties, les unes après les autres.

[10] Cela consiste à centrer son attention sur les sons présents à l’instant présent, d’observer leurs caractéristiques. Puis il s’agit de prendre conscience des jugements et pensées que suscitent ces sons pour ensuite les lâcher et revenir aux sons en eux-mêmes.

[11] M. Chaskalson et M. McMordie, “Mindful for Coaches”, Routledge, 2018.

[12] Ont été utilisés ici pour poser les questions, les 11 compétences clés que doit posséder toute personne désireuse de devenir coach selon l’ICF.